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Little Miss Sunshine,

Jonathan Dayton, 2006

 

La Famille

 

 

  • Richard- conférencier de la réussite. Je l’imagine en bateleur de Novotel périurbain, au matin dans la salle grand-vide et à trois tables du buffet à volonté, le portable allumé et silencieux... Il a complètement raté sa vie, il est désolé, mais il croit pouvoir encore réussir grâce à un livre-miracle sur...la réussite. Forcément.

  • Dwayne. Sympathique adolescent : lui, il a compris le piège de la communication. Une clé : Nietzsche, après la crise de Turin, a passé les dernières années de sa vie sans dire un seul mot. A quoi bon parler quand il n’y a plus personne ? On parle à son chien, ou on se tait. Dwayne n’a pas de chien, mais il a un calepin.

  • Franck. Franck s’est ouvert les veines. Il est homo, numéro 2 sur Proust. Universitaire sans chaire, narcissique au miroir brisé, has-been et wanabee. Il est tombé sur plus Rastignac que lui. Finies donc la madeleine et l’aubépine, place au poulet surgelé chez sa  soeur.

  • Le grand-père. Sage douteux et ex-bon vivant. Il a la faconde de ceux qui glosent sur la chose. Nihiliste de post-débauche, il n’y a RIEN, dit-il en substance, à  part les plumards Kingsize. C’est un peu Bukowski, mais en minibus. D’ailleurs même les gérontophiles n’en veulent plus, c’est dire le rebut.  Trop pervers pour l’enfer du mouroir.

  • Maman : elle assure le poulet pané surgelé et pot d’ice-cream familial : Abulquerque, c’est pas les Guermantes. C’est un peu Raisins de la colère, mais en comédie. On est dans la déglingue et la déveine, mais sans aucune vulgarité et avec tendresse. La vulgarité, c’est à la fin, et elle n’est pas là où on l’attend.

  • Et puis, il y a Olive : le feu follet de la fillette qui invente l’idiome- la folle lucide. Elle est belle mais elle ne le sait  pas, elle (sup) porte des lunettes, elle a de l’embonpoint. Donc, elle concourt à Mini-Miss beauté. C’est donc une grande maîtresse de l’échouage- de l’idiome. Car la réussite de l’échouage d’Olive, c’est de couper court à toute langue convenue

 

Laurent Luquet

 

 

 

Cinéma, art, et philosophie

I) Alain Badiou : parler d’un film ou penser avec un film ?

 

 

A) Ce que penser avec un film n’est pas

 

a) La réaction, ou « jugement indistinct ».

 

« Il y a une première manière de parler d’un film, qui est de dire “ça m’a plu”, ou “ça m’a pas enthousiasmé”. Ce propos est indistinct, car la règle du “plaire” laisse sa norme cachée. » Alain Badiou (Art et Cinéma). Cette première manière est seulement un recueil de réactions : tant qu’on s’en tient à cette relation, il n’y a pas de constitution d’une culture cinématographique. En fait, ce que suggère Badiou ici est assez proche de ce que Kant écrit : ce plaisir et/ou ce  déplaisir sont indiscutables.  J’ai le droit de préférer le vin rouge et tel vin rouge à tel vin blanc. Tant qu’on s’en tient au plaisir ou au déplaisir, prît-on la posture de l’esthète ou du goûteur, on se met en zone d’indiscussion. Au lieu de parler, on ferait une grande économie de mots (et de salive) en sonorisant son opinion par des « bouh ! », par des « bah ! » ou par des « miam ! », des « schlurp ! » etc. Mais le « miam » sombre dans l’oubli jusqu’au prochain « miam-miam ». Dans ce cas, on va au cinoche comme à la cantoche.

 

b) Le bavardage avisé:

 

« Il y a une deuxième manière de parler d’un film, qui est précisément de le défendre contre le jugement indistinct. De montrer, ce qui suppose déjà quelques arguments, que ce film n’est pas seulement situable dans la béance entre plaisir et oubli. Ce n’est pas seulement qu’il soit bien, bien dans son genre, mais qu’à son propos quelque Idée se laisse prévoir, ou fixer. » (Art de Cinéma). Dans ce cas, ce film singulier rappelle une référence qui le dépasse : c’est cette singularité de ce film singulier- une singularité de rappel, et donc de constitution d’une mémoire- que j’exprime quand je dis  dans « ce Chabrol, Huppert détonne avec Huppert dans tel autre Chabrol ». Je cite des références,  je compare, etc. bref, le film vu échappe à l’immédiateté de l’émotion. Mais en disant ceci, je m’expose à la discussion :  ai-je bien compris le jeu de Huppert ? et qui suis-je pour parler du jeu de cette actrice ? Mais Badiou insiste sur le fait que, très souvent, je me distingue comme cinéphile en rapportant le jeu des acteurs au talent de l’auteur. Il faut donc que je me montre comme compétent dans la direction d’acteurs : Isabelle Huppert avec Chabrol n’est pas Isabelle Huppert avec Jacquot. Et moins encore quand elle est seule dans la cour d’honneur d’Avignon à réciter laborieusement un texte par un soir de grand vent.

 

            La seconde manière de parler, que Badiou appelle « le jugement diacritique », est seulement mieux informée et plus savante. Disons aussi qu’elle est au moins en apparence plus austère : car je tais ma jouissance. Ou plutôt, ma jouissance est une jouissance en seconde position puisqu’elle consiste essentiellement à être un « mieux disant » par rapport à la masse. Je ne dis plus « miam-miam » mais je dis « c’est aussi bon que » : « Huppert est aussi bonne dans Chabrol que  dans Jacquot, mais elle n’est pas bonne pareille. En tout cas, elle est bien meilleure que toute seule à Avignon dans le vent. »

            Je peux donc commencer à discuter, si on me supporte. Mais est-ce une discussion ou n’est-ce qu’un bavardage sophistiqué ?

 

            En fait, du plaisir et de la comparaison, on se fiche complètement quand on commence  à vouloir penser. Mais une réflexion sur la relation entre pensée et cinéma engage nécessaire un point de vue sur l’art.

             

            B) Art et pensée : quelques points de départ de Badiou

 

            Pour Badiou, la fonction de la philosophie est de relier des vérités générées dans différents domaines. L’art est l’un  de ces domaines. Donc, il n’y a pas la vérité ni le vrai. Mais, pour autant, on ne sombre ni dans  un relativisme naïf, ni dans un perspectivisme qui dissout le vrai dans l’instance  de son énonciation. Il y a des vérités qui correspondent à des procédures de pensée à chaque fois spécifiques. Par exemple, la manière de pensée scientifique produit des vérités scientifiques. Mais personne  ne peut sérieusement soutenir que la pensée est et n’est que scientifique. Donc, la perspective de Badiou est pluraliste et non-relativiste. Ainsi, s’il y a une manière artistique de penser, il y a aussi du vrai dans l’art- et il n’y a aucune raison de hiérarchiser les procédures. En revanche, il peut y avoir un art frelaté (par exemple, l’art  réduit  à un service, fût-ce pour une cause tenue pour noble)  tout comme il peut y avoir un art authentique. C’est dire qu’il y a un lien entre le vrai dans l’art et une forme ou une autre de liberté. Une oeuvre ne porte ni un message, ni  une parole : ça, c’est une sorte de vision évangélisatrice, comme si une oeuvre avait à annoncer on ne sait trop quelle bonne parole en vue d’on ne sait quelle conversion.

            Badiou : « L’art est une pensée dont les oeuvres sont le réel (...) » (Petit Manuel d’inesthétique). Sur ce point, il y  a une proximité entre Badiou et H. Arendt : « Penser est autre chose que  connaître. La pensée, source des oeuvres d’art, se manifeste sans transformation ni transfiguration dans la grande philosophie, tandis que la principale manifestation des processus cognitifs, par lesquels nous acquérons et accumulons des connaissances, se trouve dans les sciences. » ( Condition de l’homme moderne, p 226, Agora). Ainsi Arendt voit-elle dans la poésie l’art le plus proche de la philosophie : « La poésie, qui a pour matériau le langage, est sans doute de tous les arts (...) celui dans lequel le produit final demeure le plus proche de la pensée qui l’a inspiré. » ( idem, p 225). Mais justement, il y a  encore chez Arendt ce partage entre la pensée comme source d’un côté, les oeuvres comme produits de l’autre. Si nous distinguons A et B, nous sommes tentés de faire de B l’expression de A, ou le produit de A,  ou le dérivé de A. Supposons cependant que A ne soit rien hors B. Dans ce cas, tel poème pense, tel film pense- toute la difficulté étant  alors de penser avec cette pensée qui ne pense cependant que si je pense avec elle. Il faut prendre Badiou radicalement : la réalité de la pensée artistique, ce sont les oeuvres-mêmes.   

 

            Penser avec un film, c’est penser avec une pensée réalisée en une oeuvre. La pensée artistique n’est pas la cause de l’oeuvre : il n’y a pas d’un côté et d’abord le « je pense » de l’artiste ; de l’autre, le produit de cette pensée. Ce partage est naïf. On cède à cette naïveté quand on considère l’oeuvre comme l’ expression d’une intériorité (plus ou moins tourmentée). L’oeuvre est la réalité de la pensée artistique. Une oeuvre médiocre est une pensée médiocre, une oeuvre ratée est une pensée ratée. En d’autres termes, c’est dans l’oeuvre-même que le spectateur saisit la pensée, et  non en arrière ou au-delà de l’oeuvre. Certes, il est toujours tentant (et facile, et décevant) de traiter  une oeuvre comme la trace d’un passage, comme un effet de pensée. Pensée passée, c’est-à-dire : pensée finie, et pensée passée, c’est-à-dire :  passée par là et dans ça. Ce point de vue est insuffisant : lorsque je lis Homère, l’Odyssée n’est pas oeuvre du passé.  Sinon, l’oeuvre est toujours biffée-nous délaissons la trace pour retrouver le marcheur. C’est-à-dire : l’oeuvre disparaît derrière des considérations psychologiques ( qu’a-t-Il mis dedans... ? comment était-Il quand...), sociologiques ( son éducation, sa famille, sa femme, ses enfants, etc.), historiques (sa société, heureuse ou déchirée ?), etc. Nous cherchons l’Auteur plutôt que de nous intéresser à l’oeuvre.

 

            C’est parce que Badiou saisit l’oeuvre comme une pensée en acte qu’il revendique de s’y relier par un rapport inesthétique. A contrario, je suis dans un rapport esthétique à l’oeuvre tant que je crois que l’oeuvre a pour fonction essentielle de me faire découvrir quelque chose de moi-même et en moi-même (quel que soit l’index de ce « moi » : un sujet individuel ou un sujet universel). Dans une perspective kantienne, je dis alors que ce qui est important pour prouver que j’ai du goût, c’est ce que je découvre en moi en fonction de la représentation de l’objet.

            Badiou ouvre une autre perspective : non de se découvrir (éventuellement se changer) par l’oeuvre, mais de penser le réel de la pensée à l’oeuvre dans  l’oeuvre. Ainsi, il écrit dans son Petit manuel d’inesthétique (première page) : « Par « inesthétique », j’entends un rapport de la philosophie à l’art qui, posant que l’art  est par lui-même producteur de vérités, ne prétend d’aucune façon en faire pour la philosophie un objet. »

            Il n’y a pas de philosophie esthétique. Mais alors, déjà que la philosophie n’a plus beaucoup d’objet, si on lui retire l’art... Si l’art ne peut être un objet pour la philosophie, c’est bien parce que l’art est un sujet producteur de vérités. Ainsi, « contre la spéculation esthétique, l’inesthétique décrit les effets strictement intraphilosophiques produits par l’existence indépendante de quelques oeuvres d’art. » (Badiou, idem) Dans l’esthétique, le sujet se découvre au miroir de l’oeuvre  (ce film m’a ému aux larmes : ça  m’émeut, ça me meut. Quel chagrin me saisit... ! Quel  transport me dévore...Je suis happé par le train de l’émotion). L’oeuvre se reflète dans l’émotion du sujet : fondamentalement, dans l’esthétique, la relation à l’oeuvre est spéculaire.  (« miroir, mon beau  miroir, dis-moi qui c’est qu’est le plus beau ! » Moi, homme de goût.)

            L’inesthétique n’est pas une philosophie de la réflexion, mais une philosophie de la description. La réflexion dissout, la description déploie. La réflexion analyse jusqu’aux éléments simples, la description établit des relations internes à l’oeuvre. Il me semble que l’oeuvre d’art chez Badiou est un prélude au chant dialectique platonicien. Or, chez Platon, penser, c’est saisir des  relations entre des Idées. La vérité d’une oeuvre est composite, et composée d’Ideés com-posées. La description n’est pas une dé-composition (ça, c’est l’analyse) ; c’est la saisie du jeu des relations internes à l’oeuvre.

 

            Or, il y a des arts. Donc, quelle est la spécificité du vrai dans le cinéma ?

 

            C) Le film n’est pas d’un auteur ; le film est auteur si le film est pensée.

 

            Que Platon puisse servir de clé pour  aborder Badiou, c’est ce que confirme l’affirmation suivante : « Au cinéma, comme chez Platon, les véritables Idées sont des mixtes, et toute tentative d’univocité défait le poétique. » ( Idem, p 125). Ce point me paraît important  pour deux raisons. Penser le cinéma, c’est penser un art du mixte (et sans doute pas seulement le cinéma, d’ailleurs). Si on veut retrouver un élément pur, un élément premier, on passe au-delà de l’oeuvre, comme si on voulait remonter jusqu’à son principe an-hypothétique. Par ailleurs, tous les films qui présentent une absence de pensée (l’abîme de certains blockbusters) délivrent délibérément un message, ou encore  donne délibérément dans la leçon. Penser le non-pensant de certains films consiste précisément à montrer l’univocité de leur contenu d’idée, et ce par delà tous les artifices de tels ou tels effets spéciaux (très vite lassants, au demeurant). L’industrie cinématographique le comprend très bien : elle sature d’effets spéciaux l’absence de pensée. Les films qui ne pensent pas n’ont justement aucun contenu d’idées- et cela ne signifie pas qu’il n’y a pas une technique, voire une écriture cinématographique. Mais après tout, un volume quelconque de la collection Harlequin présente aussi une écriture, une technique, etc.

            Tous les films sont-ils seulement « parlables » au sens de Badiou ? Certes, on peut toujours raconter ce qu’on a vu (j’ai vu la chute au ralenti d’un bus, et ça dure plus de deux heures). Mais « parler d’un film est moins parler des ressources de la pensée que de ses possibles » (Peut-on parler d’un film ? Revue : l’art du cinéma) . Certes, le  film est un produit. Mais ce qui fait la teneur de pensée d’un film, ce ne sont pas les intentions d’un réalisateur, etc. Le film pense s’il a ce pouvoir d’ouverture vers des Idées (qui sont des mixtes). Regarder, c’est se compromettre à penser. En d’autres termes, le film, en tant que réel de la pensée (et pourvu qu’il le soit) est un intermédiaire (un métaxu) : c’est un lieu possible, parmi d’autres, de l’activité de penser.

 

            II) Little Miss Sunshine, au miroir de J. DERRIDA : hospitalité, rivages, échouages et invention de l’idiome.

 

            A) Qu’est-ce qu’une vie échouée ?

 

            Jadis, un ex-Ministre de l’Education Nationale écrivit un livre : qu’est-ce qu’une vie réussie ? J’ai du mal à trouver dans la philosophie une référence à la  réussite de ou dans la vie. Une référence à la vie bonne, à la vie  heureuse, voire à la vie parfaite, voire même à  la béatitude- oui. Mais à la « réussite » ? Une vie bonne n’est certainement pas une vie réussie parce que, hélas, les méchants réussissent très  bien.

 

            Dans Little Miss Sunshine, il est surtout question de donner à penser l’échouage des vies. Une vie  échouée est une vie qui aborde à un certain rivage inattendu. Ce n’est pas (seulement) une vie ratée, même s’il est beaucoup plus facile d’échouer sa vie en la ratant plutôt qu’en croyant l’avoir réussie. Je voudrais suggérer que cette comédie  nous présente ce que peut être  l’invention d’un idiome après l’échouage.  

 

            Derrida  écrit : « L’hospitalité absolue exige que j’ouvre mon chez-moi et que je donne non seulement à l’étranger (pourvu d’un nom de famille, d’un statut social d’étranger, etc.) mais à l’autre absolu, inconnu, anonyme , et que je lui donne lieu, que je le laisse venir, que je le laisse arriver, et avoir lieu dans le lieu que je lui offre, sans lui demander ni réciprocité (l’entrée dans un pacte), ni même son nom. » De l’hospitalité, Calmann-Lévy , 1997, p 29.

 

            Voici trois figures d’échoués :  

 

- Ulysse. Calypso lui donne tout : sa beauté, son immortalité, etc. Ulysse refuse. Il est la mémoire de l’échoué- il n’a oublié ni Ithaque, ni Pénélope. Calypso donne deux fois : à l’échoué et au partant. Le lien entre le mortel et la nymphe n’est pas un contrat. Ulysse va d’échouage en échouage jusqu’à ce qu’il ait tout perdu. Comme champion de l’échouage, Ulysse est formidable : il est le très bien muni (intelligence, sagesse pratique, etc.) et le tout démuni (les dieux s’en amusent). L’échouage sollicite Poros- l’Invention, le stratagème. Une vie qui prend le risque de l’échouage est nécessairement une vie inventive. 

 

-Gulliver. Il est l’échoué du trop. Gulliver échoue : l’altérité n’est jamais à son niveau. (Pour nous : trop de diplômes,  trop cher, trop vieux, pas assez jeune, trop jeune, pas  assez vieux). Il est trop- trop grand, trop petit. Il est celui qui excède ou celui qui fait excessivement défaut.  Voilà l’échouage- jamais l’échoué n’est à la hauteur attendue. L’échoué n’est pas dans la bonne mesure. Olive, dans  le film, est grosse, et  en plus elle porte des lunettes. Elle a trop de poids et elle voit trop peu.

 

-Robinson. Robinson est un échoué et doit inventer l’idiome sans langue avec Vendredi. Il n’est pas sur son île. Il est sur une île. Il n’a rien à faire sur cette île- il y est de trop. Sans l’invention d’un idiome commun avec Vendredi, il sombre dans la folie. L’échouage n’est pas seulement le résultat  d’un naufrage, il peut en être la prémisse.

 

B) Little Miss Sunshine :

 

            L’invention de l’idiome est l’invention d’une vie singulière- et pourtant compréhensible par autrui. L’idiome n’est pas la langue : la  langue, ce sont « les mots de la  tribus » ( Mallarmé). Une vie s’invente comme un idiome, elle ne se parle pas  comme une langue. Ainsi peut-on repérer dans ce film les impossibilités et les ratés de la communication.          Une vie échouée invente parce qu’elle ne communique pas. Plus il y a de communication, plus c’est fluide, plus c’est flux, moins il y a d’invention. Le Nietzschéen ne communique pas par la langue, le mari rate sa communication. Rien ne communique, donc tout doit être inventé.  Invention de l’idiome : ainsi, le geste sans un mot de la fillette sur l’épaule de l’adolescent. Ainsi,  le sourire de l’adolescent dans sa chambre de Motel- ambiguité de ce sourire. Ainsi, la transmission du grand-père.

 

            Un rivage, c’est une promesse et c’est une hantise, on y prend pied au risque d’y  perdre sa vie. On ne sait sur qui on tombera. De même cette épopée en minibus. Ce film raconte la réussite de l’échouage.  

 

            Cette comédie est grande parce qu’elle montre le jeu de la langue et de l’idiome. Le jeu de la langue, ce sont les  codes que nous sommes prêts à apprendre et à bien jouer pour réussir.  L’idiome est l’événement post-échouage adressé à autrui.

 

 

 

Laurent Luquet

           

 

La critique sociale au cinéma

Comment une théorie critique devient-elle une pratique critique ?

Franck Fischbach, Emmanuel Barot et Alain Badiou

 

TROIS RAISONS DE S’INTERESSER A LA FONCTION CRITIQUE

 

 

 

Dans l’introduction de son ouvrage : La critique sociale au cinéma (Vrin, 2012), Franck Fischbach définit cette pratique comme « le fait de mettre au jour des situations sociales et/ou des processus sociaux dont les effets pour ceux qui s’y trouvent et/ou ceux qui les vivent sont des effets pathologiques, c’est-à-dire des effets consistant en des troubles, des malaises ou des souffrances. » (p 15). Dans le cas du cinéma, un film assume cette portée critique s’il montre et dénonce, avec ses moyens propres, une vie sociale humainement insatisfaisante.

Une telle fonction, quand elle est présente, n’est bien sûr pas l’apanage de l’art cinématographique. Elle semble en tout cas absente de l’industrie cinématographique. Et s’il y a quelque légitimité à réfléchir sur la fonction critique, c’est pour trois raisons.

 

Fonction critique ou fonction de propagande

D’une part, on reste souvent assez confondu par le vague de l’expression :« art engagé ». Si on veut dire par là une œuvre qui délivre un message, alors n’importe quel spot publicitaire fait bien mieux l’affaire. La Bible toute entière délivre le Message (d’ailleurs assez confus). Mais il y a un gouffre entre Bowling for Columbine et le Cantique des Cantiques. La notion de message est entièrement récusable parce que l’art ne relève pas du prêche, d’où qu’il vienne, quel qu’il soit. Pire : lorsqu’il y a un moment de prêche dans un film, fût-il généreux, fût-il même audacieux dans le contexte de sa sortie, on est mal à l’aise parce que le prêche ne fait que la leçon. On verse alors dans une sorte de didactisme plus ou moins pontifiant. Ce n’est pas la fonction critique. Ainsi, en conclusion de Camera politica. Didactique du réalisme dans le cinéma politique et militant (Vrin, 2009), Emmanuel Barot distingue nettement le film militant du film de propagande : « Le film de propagande est le film anti-politique par excellence. (…)  Négateur du politique comme expérience du litige et de la contestation, il neutralise ses enjeux, ferme a priori les possibles en faisant disparaître les problèmes, interdit la contradiction, et donc réprime toute liberté de création et de réception. Un film de propagande en résumé n’est pas un film : instrument immédiat de la politique, il est négateur du politique, et de ce fait négateur du cinéma lui-même, tout comme une littérature de pure édification nie la littérature comme art d’écrire le rapport mouvant de l’homme au monde. » (p 125). Il n’y a donc rien de commun entre le film à fonction critique et le film de propagande : le premier relève du politique- c’est-à-dire de la discussion dans un espace commun ; le second promeut une politique- c’est-à-dire d’une décision qui a déjà été prise, d’une direction déjà donnée. Le film à fonction critique n’est jamais facile précisément parce qu’il laisse le spectateur dans l’indécision, dans l’expectative ; le film de propagande, lui, ne requiert que la participation par identification affective à la décision effective. La fonction critique ouvre les possibles et le temps historiques : rien n’est déjà accompli, tout est encore à faire. La fonction de propagande clôt les possibles (il n’y a jamais de plan B) et termine le temps (tout est déjà  accompli, c’est déjà signé, etc.). La critique est historique, la propagande est apocalyptique.  Or, il n’est pas toujours facile de repérer aujourd’hui les films de propagande (nous ne sommes plus au temps ni de Riefenstahl, ni d’Eisenstein). Mais il y a une urgence d’autant plus pressante à le faire que les films se diffusent facilement. Le clic-crack investit l’imaginaire qu’on croit intime mais qui n’est qu’un reflet. E. Barot repère, dans l’ouvrage déjà cité, la propagande dans de « nombreux films contemporains traitant de la lutte contre le terrorisme (après avoir mis en valeur le progrès social de la grande industrie…), mettant en scène de courageux héros esseulés dans la CIA ou le FBI » ; ces films « sont autant de vecteurs de diffusion d’une idéologie sécuritaire, celle des superpuissances fragilisées par les ennemis qu’elles ont fait naître, etc. » (p 31-32) Les principaux ingrédients de la propagande sont donnés dans ces productions : a) une direction (que le héros assume) ; b) un ennemi à terrasser (exterminer, etc.) ; c) un espace vital (à défendre puis à étendre). Le cinéma devient alors un immobile mouvement de masse.

Or, les films dépourvus de toute fonction critique sont des films a-philosophiques en ce sens qu’ils ne recèlent aucune des trois caractéristiques de la situation philosophique :

  • « une situation philosophique est [un] moment où l’on éclaire un choix. Un choix d’existence ou un choix de pensée. » Alain Badiou, Cinéma, Nova Editions, 2010, p 324. Dans un film de propagande, il n’y a aucun éclairage : le terrorisme tombe du ciel comme les aliens d’Independance Day.

  • Une situation philosophique montre ceci : « entre le droit de l’Etat et la pensée créatrice, il n’y a pas de commune mesure, pas de discussion véritable. En définitive, le pouvoir c’est la violence. Et la pensée créatrice ne connaît que ses propres règles. » (idem, p 326). L’Etat veut   le Terminator et ses règles n°1, n°2, etc. Terminator n’est pas vraiment un modèle d’esprit créatif. Mais il est efficace.

  • Une situation philosophique est une situation qui fait droit à l’événement, à l’exception. Elle éclaire « la valeur de l’exception, la valeur de l’événement, la valeur de la rupture. » (idem, p 327) A contrario, la propagande ne reconnaît que le grand nombre.

Résumons-nous. Les films de propagande sont des images-mouvements du Pouvoir.

 

Retour sur Adorno/Horkheimer et Benjamin. Pourquoi pratiquer l’effeuillage ?

 

         D’autre part, la fonction critique permet de cerner à nouveau les enjeux de la discussion entre Benjamin et les fondateurs de l’Ecole de Francfort. Dans La société du mépris (La Découverte, 2006), Axel Honneth formule le principe et les limites de la  critique  sociale ( et ce, en hommage à Adorno et Horkheimer) : cette critique donne « une description de situations de la culture capitaliste devenues familières ». Cette description les fait « apparaître sous un jour totalement nouveau. » Pour  un art qui assume une fonction critique, « l’objectif est de découvrir notre monde comme un contexte de vie sociale dont les orientations et les réalisations peuvent être considérées comme pathologiques puisqu’elles apparaissent, une fois abandonnés nos encombrants préjugés, en complète contradiction avec les conditions de la vie bonne. » (p 149). Décrire, faire apparaître, découvrir : à aucun moment, il n’est question de donner une leçon. La fonction critique dévoile, dés-idéologise : c’est précisément tout le talent des artistes de donner à voir ce qui, ordinairement, passe inaperçu, de donner à entendre ce qui  est inaudible, ou de donner à penser ce qui est impensé. Toute fiction a une fonction. La fonction idéologisante de la propagande est de nous faire participer par persuasion au mouvement général, au mainstream. La fonction critique est une fonction de distanciation : nous ne participons plus. Par où l’art rejoint la philosophie : les philosophes sont des séparés ou des divorcés. Les idéologues sont des hommes de couple et d’union (forcément sacrée).

         A contrario, il y a des films sociaux dépourvus de toute fonction de critique sociale. Ce sont des films d’une part, de consolation, d’autre part de réconciliation des antagonismes. Par exemple, dans Intouchables, il y a un Noir et un Blanc. Le Noir est évidemment Noir-de-la-banlieue, parlant le langage de la banlieue (du moins, ce que les réalisateurs en connaissent). Il est chômeur, charmeur, athlétique et rigolo. Y’a bon Banania du cinéma parlant, il sort des colonies désormais situées à la périphérie des métropoles françaises. Dans ces banlieues, on puise des rôles de colonies : le Noir rigolo (le sourire Banania), l’Arabe facétieux et roublard (le ch’ti du sud), la Beurette bien roulée, suave et léonine, etc. Dieu merci, le terrorisme a un peu changé les choses : ah ! Si  seulement on pouvait se débarrasser du terrorisme comme on a liquidé les colonies ! Mais voici le Blanc d’Intouchables : il a le pouvoir, le pognon et la mélancolie. Il n’a pas de chaise à porteurs (on n’est quand même pas en Indochine…) mais il a un fauteuil roulant. Les Jaunes portaient, le Noir poussera. Le Blanc parle bien, porte beau et pense profond. Il est le sérieux de la vie sur laquelle plane la légère et éphémère vapeur du Noir. Une genèse a séparé le Noir du Blanc mais le Blanc embauche le Noir : forcément, il a plein de pognon, et ce sera donc son domestique. Ils s’unirent, se chamaillèrent et n’eurent pas de nombreux enfants.

         Pourquoi puis-je avoir honte de regarder ces films ? Est-il possible de plaire sans complaisance ? Car une comédie doit plaire en faisant rire ou sourire- c’est sa contrainte générale. Mais justement, ce qui sauve la comédie de la complaisance, c’est la rupture introduite sciemment en elle par la fonction critique. Et il est toujours touchant de constater qu’une société s’indigne (ah ! l’indignation : vaste programme…) des insultes proférées à l’égard de telle Ministre tout en adhérant en masse à des films qui disent la même chose.

         La fonction critique est une fonction de strip-tease. Et cet art de l’effeuillage n’entend se laisser imposer ni son rythme, ni son geste, ni sa limite. D’où l’intérêt d’être particulièrement attentif à la dernière scène de Little Miss Sunshine. Car, sur Olive, repose toute la charge de la critique (et il n’y a pas ni consolation, ni réconciliation avec le tout social, bien au contraire). En ôtant à sa guise ses vêtements, Olive fait apparaître : elle incarne die erschliessende Kritik :en se mettant (presque) à nue, elle met totalement à jour. La Reine (l’idéologie) est toute nue dans ce jour du corps mal foutu d’Olive. Toute la vulgarité de la compétition capitaliste qui investit jusqu’au corps des fillettes dont les parents se gaussent, se gargarisent et se gobergent est montrée : vous êtes des compétitrices, vous êtes des rivales, vous êtes des louves parmi les louves , et je vous montre ce que ce rapport social-là, propre à cette organisation sociale, fait de vos corps. Vous êtes des Annabelle, belles, belles comme le jour.

         Le jour d’après, forcément.

         Ni consolation, ni réconciliation. Car il s’agit bien de pointer le sophisme idéologique des rapports sociaux dans une société capitaliste. Ce sophisme est le suivant : la violence, c’est mal (certes). Or, notre réalité sociale est bonne. Donc, il n’y a pas de violence sociale- d’où la moraline et la guimauve. La fonction critique, elle, est sans pardon ni réconciliation.

 

         Marx, toujours.
 

         Enfin- troisième raison- la fiction à fonction critique peut nous intéresser parce qu’elle réalise dans l’œuvre ce qui a d’abord été pensé théoriquement. Dans le droit fil de Badiou, je voudrais suggérer ceci : le film réalise une pensée pensante critique (pas que lui, évidemment). La théorie de la critique est donnée par Marx. Mais la pratique de la critique relève du faire- elle relève d’une activité dont l’art est une des guises. La pratique est à faire et à refaire parce que l’idéologie a de formidables capacités adaptatives. 

         « Critique » a d’abord qualifié le discours, la théorie. Faisons deux remarques.

D’une part, toutes les grandes œuvres de Marx font référence à la notion de « critique ». Ainsi, Critique du droit politique hégélien ( 1843) ; ainsi, La Sainte Famille, ou Critique de la critique critique, contre Bruno Bauer et consort (1845) ; ainsi, L’idéologie allemande, ou  Critique de la philosophie allemande la plus récente dans la personne de ses représentants Feuerbach, B. Bauer et Stirner, et du socialisme allemand dans celle de ses différents prophètes ( 1845), Le Capital (1867) ou Critique de l’économie politique. Par son usage de « critique », Marx est un héritier. « Critique » ne signifie pas « opposition à ». « Critique » signifie : examen des conditions de possibilité et des limites d’un certain discours (chez Kant, par exemple, la Critique de la raison pure est l’examen des conditions transcendantales de possibilité de la connaissance comme discours rationnel). En gros, une théorie critique est une théorie qui soulève le tapis, non pour vérifier s’il y a de la poussière, mais pour découvrir le sol sur lequel il est posé. Sauf à croire au tapis volant, ou à la lévitation statique, un tapis repose sur un sol (qu’il cache néanmoins).  Il se peut qu’il y ait des gros trous dans le sol, mais on ne les voit pas. On marche donc sur le tapis, et on se foule la raison. Ou on perce le tapis, en talons aiguilles.

D’autre part, chez Marx, les conditions de possibilité sont des conditions sociales : le sol est social. La théorie critique est donc l’examen des conditions sociales de possibilité de discours et de pratiques,  compris de la philosophie elle-même. Du coup, selon Marx, la philosophie doit cesser d’être seulement un discours critique. Elle doit se dépasser en une pratique critique parce qu’elle sait que les rapports sociaux existants sont d’abord des rapports où s’expérimente le négatif à travers l’aliénation- les acteurs sociaux y deviennent étrangers à eux-mêmes, ils ne se reconnaissent pas dans ce qu’ils font.

Marx est intéressant précisément en ce sens (mais évidemment pas seulement en ce sens) qu’il présente le passage de la théorie critique à la pratique critique. Or, cette pratique critique- il le proclame- doit rester libre. Dans une lettre à Ruge, envoyée de Kreuznach en septembre 1843, il écrit : « Nous ne nous présentons pas alors au monde en doctrinaires armés d'un nouveau principe : voici la vérité, agenouille-toi ! Nous développons pour le monde des principes nouveaux que nous tirons des principes mêmes du monde. Nous ne lui disons pas : « renonce à tes luttes, ce sont des enfantillages ; c'est à nous de te faire entendre la vraie devise du combat ». Tout ce que nous faisons, c'est montrer au monde pourquoi il lutte en réalité, et la conscience est une chose qu'il doit faire sienne, même contre son gré. La réforme de la conscience consiste uniquement à rendre le monde conscient de lui-même, à le réveiller du sommeil où il rêve de lui-même, à lui expliquer ses propres actions. Tout notre but ne peut consister qu'à faire en sorte que les questions religieuses et politiques soient formulées de manière humaine et consciente, comme c'est d'ailleurs le cas dans la critique de la religion chez Feuerbach. » (je souligne).

Il est difficile de décrire en termes plus clairs ce qu’est une fonction critique. Dans cette même lettre à Ruge, où l’on trouve par ailleurs un examen de la situation de l’idée communiste, Marx pose le statut de la fonction critique : elle est une analyse en vue d’une conscientisation des acteurs sociaux. Dans les comédies où la fonction critique est présente, cette analyse se réalise. La fiction y fonctionne critiquement et librement.

 

Laurent Luquet

 

 

« Life is one fucking beauty contest after another. »

« United we stand »

 

La dernière séance de Cinéphilo a donné lieu à des échanges d’une très grande richesse.

 

            De ces échanges, je retiens une cristallisation autour des idées suivantes.

 

            D’une part, nombreux sont les participants à avoir été sensibles à la portée critique de ce film. Critique sociale ou critique politique ? Et du coup, qu’est-ce que l’engagement dans le domaine de l’art cinématographique ? Grâce à une référence à Nietzsche, effectivement omniprésente dans le film, et sans doute  pas seulement comme prétexte narratif, l’une des interventions a pu habilement suggérer un axe de progression dans le déroulé de l’histoire : d’abord zone d’un confort précaire et fait de silence et de non-dits, la famille explose d’abord, puis expose ses blessures avant que l’audace d’Olive ne la réinstaure comme une formidable machine à lutter  contre l’oppression sociale réelle et omniprésente. La famille, percée, poreuse, peureuse et apeurée devient porteuse d’une éclatante revanche à  la fin du film. Et l’union se refait autour de l’être qui a osé exposer sa singularité à l’encontre de tous les formatages sociaux : Olive. Autant le silence de Nietzsche est un mutisme définitif, autant le refus de parler de Dwayne paraît comme une prise d’élan vers un nouvel idiome.

            D’autre part, c’est le personnage de Franck- grand-père apparemment dépravé- qui prépare, autant que l’ex-spécialiste numéro 1 de Proust, cette re-prise de parole. Franck, prolongement improbable des sixties dans la génération post-yuppies, assure la transmission de la révolte. Il n’a aucun mépris, ni pour son fils, dont il reconnaît le courage, ni pour son petit-fils (Dwayne) auquel il assène un art de vivre bien senti. Il y a un côté Léo Ferré chez lui, à une époque où l’amour était un refus affirmatif et non un marivaudage calibré et médicalisé, coincé entre le porno pathétique et médiatique et la peur de la maladie. « Nous Deux est plus obscène que Sade » disait Barthes. Une intervention a particulièrement souligné le fait que Franck qui, au début, ne pense qu’à son repas et fulmine contre le poulet frit à répétition, dépassait peu à peu ce nombrilisme grognon et ronchonchon pour se lier à nouveau à tous les membres de la famille. Une fois  assumée ce rôle de liant, il doit disparaître- mourir. Il est transmission et rémission. C’est bien parce qu’aucun des personnages n’est figé, c’est bien parce que tous changent au gré d’interactions tissées de maladresses et de tendresse que cette comédie a été positivement appréciée. Même mort le grand-père continue à exister dans le coffre du minibus.

 

            Ce film est révélateur enfin d’une épreuve négative du lien social lorsque  celui-ci n’oppose plus aucune résistance à l’oppression diffuse et  réelle de la normativité professionnelle et médiatique. Mais, en même temps, le lien familial est porteur d’un espoir de transformation du  social subi en une sociabilité combattive :cette sociabilité  est formidablement transgressive et subversive. Le père cesse d’apparaître aux ordres de..., sa réussite est de redevenir le complice de tous les membres de sa famille, Olive rend hommage à  la véritable transmission (celle de la vigilance et de la joie), la mère recouvre une fierté au-delà de ses déceptions quotidiennes. Il n’y a pas le Dust Bowl des Raisins de la colère mais il y a un remarquable appel à faire au moins un pas de côté.

            Un pas de danse, bien sûr.

Laurent Luquet

           

           

 

Little Miss Sunshine,

Jonathan Dayton, 2006

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