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Rain Man

Barry Levinson

1988

Quelques réflexions à propos de Rain Man

 

Barry Levinson

1988

 

 

 

Préambule :

  1. Barry Levinson. Qui est-il ? Pourquoi fait-il du cinéma ?

Né en 1942 à Baltimore dans le Maryland. Il a d’abord été avant de devenir . C’est ce point que je voudrais creuser. Levinson n’est attaché à aucun genre : il passe de la comédie au film d’action voire au film d’horreur.

 

En revanche, tous ses films ont une portée critique : critique sociale et critique politique. Simplement, Levinson n’a pas du tout pour ambition (ou prétention) de faire passer un message.

Je vais prendre un exemple : pour son dernier film- film d’horreur : - c’est un fait que la baie de Chesapeake, en gros depuis les années 1970, est déclarée zone morte. Ironie de l’histoire : son nom signifiait dans le langage des autochtones : « bonne zone de pêche », « zone abondante en poissons ». Il y a à peu près 150 affluents qui se déversent dans la baie. A cause de l’agriculture industrielle et des métropoles tout autour, environ 40% de la surface de la baie a un taux d’oxygène insuffisant pour que s’y développe la moindre vie aquatique. Levinson s’empare de ce fait réel et en fait le point de départ d’une histoire. Cette histoire raconte le retournement du milieu naturel contre l’être humain, et pour ce faire : a) il recycle des références au premier (lui-même film qui n’est pas que film d’horreur, loin de là) et au premier (même remarque) ; b) là est son originalité et sa force narrative : il recycle les moyens contemporains de filmer et de faire un reportage- d’où l’effet de réel, nécessaire au genre film d’horreur : toutes les petites caméras dont nous disposons sur nos iphones et idpads, toutes les caméras des villes et bâtiments- bref l’ensemble des images qui ne sont pas des images cinématographiques.

 

 

Deux citations, extraites d’un entretien donné à  :

« -Est-ce que le cinéma vous rend heureux ?

 Raconter des histoires me rend aussi heureux que de découvrir un bon film en salles. 

            -Pourquoi filmez-vous ?
            J'aime raconter des histoires.

            Votre conseil à un jeune cinéaste ?
            Raconter les histoires qui vous plaisent. »

 

Autrement dit, on ne peut pas demander au cinéaste Levinson un propos, un point de vue, un engagement bien marqué qu’il ne met pas dans ses films. Pour autant, il est tout à fait possible que le simple fait de raconter une histoire, et bien sûr la manière dont on la raconte cinématographiquement, ait déjà une portée critique. Après tout, il y a mille manières de raconter ses vacances, par exemple :

  • « je suis parti cet été au Vietnam. Les hôtels sont pas chers, confortables et le personnel très accueillant. »

  • « je suis parti cet été au Vietnam. Il y a des riches et il y a des pauvres. Moi, je suis du côté des riches. »

  • « je suis parti cet été au Vietnam. Les sentiers sont magnifiques et la nature luxuriante. Mais il faut faire attention aux mines. Heureusement, ils ont mis des panneaux pour avertir les promeneurs. »

PS : moi, L², je n’ai pas encore fait le Vietnam. Si je raconte les hôtels pas chers et le personnel souriant, alors tout va bien. S’il y a des pauvres, ça va un peu moins bien. Mais alors, s’il y a des pauvres et des mines, ça devient matière à frisson. De même, dans le film d’horreur, on part du plus banal et on introduit un élément perturbateur porteur d’une violence extrême (celle qui s’en prend au corps). Comme dirait Matheson : « il y a quelque chose qui cloche »- et c’est tout. Matheson est ignoré, et c’est bien dommage : signalons quand même que Duel, le premier long métrage de Spielberg, est tiré d’une de ses nouvelles éponyme.

Tout ceci pour vous dire cela : Levinson raconte des histoires où quelque chose cloche. Aux extrêmes du spectre, ce quelque chose débouche soit sur de la comédie (pas forcément hilarante), soit sur de l’horreur.

 

 

  1. Dès sa sortie, ce film a été soit encensé, soit honni par la critique. Encensé en raison de la performance de Dustin Hoffman et de Tom Cruise. Honni, parce qu’on lui reproche sa fin heureuse.

Les Tueurs :

Le monde  (16 mars 89) : « Rain Man » n’en demeure pas moins un road movie de plus, un beau piège à médailles assez lourdaud et moralisateur. »

  • : (15 mars 89) : « C’est tellement théâtreux qu’on ne serait pas surpris qu’après chacun de ses numéros de pute savante, Hoffman suspende son jeu et s’avance au bord de l’écran pour saluer la compagnie. »

 

Les Encenseurs :

Le Figaro : « Une superbe parabole, servie par un superbe cinéaste et un comédien, [Dustin Hoffman], comme actuellement il n’en existe pas deux. » Le Figaro, 16 mars 89

France Soir : « il y a surtout, qui soulève le film à une hauteur inattendue, l’interprétation de Dustin Hoffman. France-Soir, 20 mars 89

 

 

            Mais nous qui le regardons avec une distance temporelle, nous pouvons peut-être y voir autre chose que ce qui fut perçu à l’époque. C’est l’avantage que nous donne le temps dans le jugement des œuvres.

 

            Je défends ce film et j’explique pourquoi ci-dessous.

 

  1. Un film construit (je me contente de développer ce que Levinson propose dans son cinéma : raconter une histoire)

 

  1. Les règles de la construction :

 

Oui, cette construction est simple ( nous n’avons pas, par exemple, une construction aussi complexe, et parfois déroutante, comme dans Gus Van Sant ou Quentin Tarentino). Mais il me semble qu’il est bon de prendre repère sur le simple pour apprécier ensuite certaines variations dans d’autres films.

 

1) Le moment initial;

TC revend des voitures de luxe, c’est tendu. Contraste : sa voiture pourrie/ses voitures de luxe.

2) La perturbation : ce qui change la situation initiale. Ici, elle est double : chance (« j’hérite du vieux qui ne m’a jamais aimé ! Malchance : j’ai un frangin et il se taille la part du lion »)

«  Mince, j’ai un frère ! C’est ki, làçui ? Ah ! Il est chez les fous ! Et c’est lui qu’a tout !»

3) Faire avancer le récit (trouver des trucs pour l’intuition centrale : la transformation d’un homme ou de deux hommes l’un par l’autre) :

( Comment faire avancer un récit ? Pas facile. Certes, il y a des éléments de Road Movie, mais ce n’est certainement pas un Road Movie. D’une manière générale, quand on connaît un peu Levinson, on sait qu’il recycle.)

Exit la copine : elle veut une humanité a priori. Elle ne comprend pas qu’on ne décide pas d’être humain, on le devient. Elle, elle a été incapable de faire advenir cette humanité dans Charlie. Pourquoi ? Parce qu’elle se prête au jeu de l’objet.

Reste Raymond. Donc Raymond et Charlie. Ce passage du trio au binôme est nécessaire à la reconnaissance.

  1. Raymond n’est d’abord lui-même qu’un objet pour Charlie : d’abord, un objet encombrant ; ensuite un objet utile en tant que Raymond-la-mémoire et Raymond-le-calcul. Charlie ne reconnaît rien d’un sujet en Raymond (pas plus qu’il ne reconnaît un sujet dans sa secrétaire). Du coup, tant qu’on en reste dans cette sujet-objectivité, il n’y a qu’un désert de solitude.

 « pas si demeuré, le fou ! » La mémoire…Mais la mémoire, c’est aussi bien la mémoire pure (désintéressée) que la mémoire en vue d’une action (utile).

  1. Raymond devient sujet – une personne à part entière avec ses désirs, ses projets, etc- par la reconnaissance du Rain Man en lui. Mais du coup, Charlie cesse aussi de son côté de n’être que Charlie-le businessman.

4) Réconciliation : avec le papa du passé. Réunification de la mémoire.

Pourquoi suis-je devenu vendeur de voitures de luxe ? Pour me débarrasser de papa. Mais au fond,…

5) Situation finale.

Happy end ? Pas sûr. Certes, avec l’argent du casino, Charlie éponge ses dettes. Un happy end lourdaud suggérerait ceci : Raymond vient habiter chez Charlie. Mais ici, on a envie de dire : tout reste à faire. Raymond va-t-il regagner la maison des fous ? Et quid de la copine ?

 

 

  1. Autisme ou autismes ?

 

            Je suis frappé- aujourd’hui encore- par la vision superficielle de la signification des deux personnages symétriques : il y aurait d’un côté l’autiste, de l’autre le businessman. Mais enfin, il y a de nombreux indices dans le film qui suggèrent (Dieu merci, ils ne montrent pas, sinon ce serait pachidermique) que nous avons affaire à deux enfermements, l’un immédiatement perceptible (celui de DH), l’autre infiniment plus troublant (celui de TC).

            Et il est évident ici qu’on ne peut s’appuyer sur une définition médicale rigoureuse de l’autisme. Ce n’est tout de même pas un film sur l’autisme comme pathologie, ce n’est pas un film médical, ce n’est pas un docu ni un docufiction. Levinson veut raconter une histoire : c’est une fiction. Une fiction n’a pas pour fonction de nous enseigner, ni de nous informer- sinon on verse dans le pire du cinéma : le cinéma qui me fait la leçon, le cinéma didactique. Une fiction a pour fonction de proposer une pensée  du réel à partir de l’imaginaire.

( Par exemple, je suis toujours surpris par le fait suivant : qui dit Temps Modernes dit dénonciation du travail à la chaîne. Mais a-t-on jamais vu réellement un individu comme Charlot sur une chaîne de montage ? DH incarne un personnage autiste, mais ce n’est évidemment pas un film sur l’autisme (médical))

 

  1. Comment filmer un contenu philosophique :

 

Je n’ai visionné toutes les scènes dans le détail. Mais il y a une chose qui me semble frappante : les regards. Ce film nous invite à réfléchir sur ce qu’est un contact visuel avec autrui en tant que personne. Sauf erreur de ma part, le jeu de DH est un jeu de non-regard. A contrario, TC est celui qui regarde, mais qui regarde trop. Son regard à lui relève de l’emprise, de l’exaspération, du commandement, de la direction, de la récrimination, etc. Or, au fur et à mesure que le film avance, il y a justement ce changement dans le regard de l’un et de l’autre, et de l’un sur l’autre.

Pourquoi est-ce aussi une critique sociale ? Encore une fois, ce n’est certes pas dans l’intention avouée de Levinson. Pour le coup, le film d’horreur The Bay est beaucoup plus dérangeant (il atteint aux fondements : la nourriture, le corps…) Mais Rain Man pose bien la question d’une aliénation sociale : comment une activité professionnelle dans un système économique donné (et accepté) nous fait-elle « inapercevoir » autrui ? J’invente volontairement ce mot de l’inaperception.

 

 

 

Laurent Luquet

En regardant le film de Barry Levinson, je me suis demandé pourquoi ce film me marque.  Pour quelles raisons il demeure imprégné dans mon esprit même une semaine, voire 15 jours après ?

Le personnage principal, un homme d’une trentaine d’années, qui se veut autonome, débrouillard, rusé, et professionnel dans son métier de vendeurs de voitures, en tout cas il veut nous en donner l’impression. Charlie Babbit, est cloîtré dans son monde, où il se croit fort, impassible même lorsqu’il apprend la mort de son père, qu’il dit n’avoir jamais aimé, et dont il ne s’en soucie pas. Il est l’image de « The perfect American Boy », celui dont le physique et le caractère jouent en sa faveur, mais qui ne constitue ni une réussite professionnelle, ni un épanouissement personnel. En effet, c’est un personnage, qui a l’air très assuré au départ, et maitre de la situation, toujours possesseur d’une réponse à toutes les questions, mais progressivement, lorsque sa famille s’immisce dans sa bulle, il est déstabilisé.

a) La vie amoureuse de Charlie

Charlie Babbit vit seul,  enfin presque. Il se veut isolé de son milieu familial et pense que de ce fait, il pourrait se construire seul. Mais est-ce vraiment le cas ? Nous serions tentés de répondre non du fait que Charlie compense ce vide affectif et soutien moral par une présence féminine qui est sa seule copine. Elle l’aime et ça se remarque par les différentes situations auxquelles elle se retrouve soumise suite aux actes de son copain. En effet, cette jeune femme représente le public de Charlie, au sens kantien, elle donne un jugement extérieur des décisions prises par le jeune homme. En ce sens, il ne pourrait se passer d’elle, d’ailleurs tout au long du film la période de séparation du couple est difficile à supporter de la part de Charlie. 

 b) la pression économique :

Charlie, est certes maitre d’une boite, il est le « leader » mais celle-ci bat de l’aile et il a besoin d’augmenter son capital. Ainsi, le jeune homme serait comme le capitaine d’un bateau qui coule, le titre honorifique y est mais l’utilité de ce titre se retrouve dégradée. D’où l’idée de la responsabilité et de la cohérence : si Charlie veut véritablement qu’on l’appelle « patron », « the boss » il se doit de remonter la cote de sa boite, d’où la charge économique encore plus pesante sur le dos du jeune homme.

Le souci c’est que la mort de son père ne se résume pas à un enterrement lugubre d’une durée de 2 heures, mais c’est le déclenchement d’un long périple et une succession d’événements tout aussi fortuits les uns que les autres. Charlie est avide d’argent et en a besoin pour empêcher sa boite de faire faillite. Il est prêt à tout pour récupérer la coquette somme que son père a laissée à Raymond- son frère. L’intervention de ce nouveau personnage, oblige Charlie, à aller vers autrui, et particulièrement vers cet être particulier. Au départ, Charlie, condescendant et obstiné par son droit à l’héritage (qu’il ne cesse de légitimer avant d’arriver au centre thérapeutique où héberge Ray), considère que le déplacement n’en vaut pas la peine. Cependant, s’il décide d’y aller, c’est qu’une part de lui (sa conscience) éclairée, lui fait comprendre que son raisonnement de départ n’est pas totalement correct (voire absurde). Il est difficile d’affirmer que c’est la raison qui cause cet événement perturbateur, d’autant plus que si Charlie se déplace c’est parce qu’il veut que l’argent lui appartienne il répondrait donc pas une sorte de désir, ou lâcheté et paresse : Charlie ne gagne pas son pain seul, il préfère récupérer la somme d’autrui.  Il est vrai que faire de Raymond, à la fois un objet de convoitise et celui de tensions, est en même temps attendu (dans les productions cinématographiques, il faut attirer l’audience) mais ne nous empêche pas d’être surpris quant à l’avancement de la relation entre les deux personnages. Tout cela pour dire que, Charlie,  est celui qui va vers Raymond, a certes besoin de lui (enfin de ce qu’il a) mais c’est tout de même lui qui décide de l’emmener avec lui pour un week-end. Charlie est d’abord strictement intéressé par ce que Raymond a et par ce qu’il peut obtenir de lui. Au départ, l’avoir prime sur l’être : c’est notre habitus social : nous sommes beaucoup plus attirés par les possessions des personnes que par la personnalité des personnes. Il faut beaucoup de réflexion pour agir sur d’autres principes. (Mr Luquet).  

Cette décision apporte un nouveau portrait de Charlie. En effet, plus le voyage s’allonge, plus le jeune homme de 30 ans, se bouleverse. Charlie, est celui qui doit céder dans l’histoire, c’est lui qui tente de s’adapter au nouveau Monde de Raymond, ses habitudes, son jus de pomme, son carnet, ses crayons, le tribunal populaire et l’extinction des feux à 23h. Charlie, ne prend pas l’avion, fait des détours pour que le jeune homme autiste ne subisse pas de crise. Le rapport de forces s’inverse : le fort s’affaiblit, le faible se renforce. Pourquoi Charlie cède-t-il ? Comment cela se fait-il que Charlie Babbit, l’homme à solutions, se retrouve handicapé ? Certains diront qu’il s’agit d’une fin  d’argent, de gain , mais c’est là ou je leur réponds que celle-ci n’est même pas assurée, Charlie, a plus de chances de ne pas récupérer l’argent que d’en devenir le possesseur. Mais supposons alors que la condition initiale ne soit pas remplie, autrement dit que Charlie ne soit pas tellement libre dans son milieu social. En effet, cet homme vit dans la précarité psychologique, il n’est ni le patron parfait à l’image de celui qui tient une pseudo-bourse qui est reconnu comme le loup de wall-street, ou encore le play-boy ou coureurs de jupons. (D’ailleurs, sa copine joue le rôle de conseillère, de la bien-aimée, de la mère…). Charlie ne profite donc pas d’une véritable paix sociale ou du moins d’une grande reconnaissance d’autrui. Sans oublier, que même au sein de sa boite, les problèmes auxquels il fait face, il ne leur donne pas vraiment de solutions mais des mensonges pour tenter de fuir la réalité : l’échec de son projet professionnel.

C’est alors que je soulève un facteur émotionnel, aussi faible puisse-t il paraitre. Mais n’oublions pas que Raymond est le seul lien familial qui reste pour Charlie, d’autant plus qu’il vient de le découvrir. Charlie, ressentirait une sorte de compassion pour cet être exceptionnel, qu’il commence à comprendre.

 À force de se transcender, de nier ce qu’il est, Charlie finit par comprendre. Charlie est l’être prisonnier dans la caverne, contraint à regarder et connaitre que ce qui lui est projeté ou plutôt ce que ses passions (l’envie, la peur, la rancœur…) lui projettent, c’est comme s’il n’est pas conscient de son être, son véritable être, et vit donc dans l’illusion. Mais comment accéder au vrai ? Par quelles modalités et quels moyens ? Si nous avons tendance à penser que c’est Ray, qui le projette en dehors de la caverne, je pense que ce personnage n’est qu’un moyen dans le cheminement de la conscience de Charlie vers la vérité. En effet, Charlie se libère de ses passions aliénantes par la présence de son frère qui le rend d’autant plus conscient de son être veritable mais nous avons l’impression qu’il se projette lui-même vers l’extérieur ; autrement dit, ce jeune homme à  doit s’efforcer de communiquer avec son frère, il dépasse ses pulsions pour supporter autrui (en l’occurrence Ray) et cet acte émane d’une volonté de plus en plus consciente(ou plutôt raisonnable ?). Tout cela pour dire que Charlie, en s’efforçant à tisser des liens avec autrui, se délaisse lui-même de ses illusions et accède à la verité de son être.

La comédie arrive par le lien entre autiste et le personnage pressé et borné. En effet, nous avons la, la figure du solipsiste au départ, qui s’obstine à croire que ce qu’il lui arrive n’est jamais à cause de lui, et répond de  son désir, et face à lui, un être dont la maladie pourrait le figer dans l’inconscience, l’en soi, (je pense notamment à ces scènes où Ray répond  « je ne sais pas » à chaque question le concernant ou concernant ses actes, sa conduite –si nous pouvons considérer qu’ils émanent d’une liberté- ). Ce discours de sourd fait de Charlie, un homme sans voix, qui se pense plus rationnel que Raymond (notamment dans la scène ou Charlie doit faire demi tour pour acheter un caleçon à son frère) sauf qu’il ne se rend pas compte de l’intérêt intense qu’il porte pour ses buts individuels, ses désirs sont les moteurs de ses actes et quand il se retrouve coincé par l’inadéquation d’autrui, il fait rire, parce qu’il devient la figure même de l’intempérance. Charlie, en revient même à hurler sur son frère par de contrariété.  

Le dysfonctionnement cérébral de Raymond ne coïncide pas avec l’empressement de Charlie, qui doit faire face au compte à rebours avant l’annonce de la fermeture de sa boite.

Entre ce que risque de perdre Charlie, et l’indifférence inconsciente de Ray, nait la tonalite comique. Les réflexions de l’autiste sont en même temps source de rire pour le spectateur et de crises de nerfs pour Charlie. Celui-ci se retrouve impuissant, il ne maitrise plus la situation face à la maladie de son frère, qu’il est obligé de respecter. Sauf que cette perte de contrôle, nous fait vaciller entre le rire et la pitié envers le personnage principal.

Deux horloges différentes, deux mondes différents qui essaient d’entrer en relation : celui de Raymond rythmé par les émissions TV, les moments de réveil, du sommeil, les  peurs de chacun : on serait forcé de dire qu’elles sont plus raisonnables chez Raymond que chez Charlie ; Charlie a peur de perdre sa boite, et son argent, il se base sur des éléments qui ont plus de chances ne pas avoir lieu, contrairement à Raymond qui se base sur des calculs et des statistiques , il est peut être plus   empirique (puisqu’il se rappelle la date des différents crashs d’avion) mais certain de ses peurs  .

Dans ce film, le jeune homme (charlie) est devant cet être malade et il doit collaborer avec lui, le prendre tel qu’il est, cela ne dépend pas de lui (ici c’est bien l’anomalie de Ray qui doit être supportée par Charlie, parce que s’il veut agir moralement-chose qu’il ne fait que très rarement pendant le film sauf avec son frère- il ne peut le laisser au bord de la route, il le fait par obligation morale ). En revanche, il doit se réapproprier (la tempérance) ses désirs pour qu’ils soient adéquats avec ce monde extérieur. Face à cette difficulté, Charlie ne fuit pas ses désirs, il n’en a pas peur, mais au contraire, il les utilise pour dépasser ces épreuves fortuites (c’est une morale spinozienne qui s’immisce puisque le désir est irréductible, il est même l’essence de l’homme et l’aide dans sa puissance d’exister). Sauf, que de l’autre coté, Ray n’est pas complètement inconscient (il a des repères-le jus de pomme, le lit à coté de la fenêtre, les rdv  devant ses émissions TV etc.-: ce n’est pas un caillou qui n’a pas conscience d’être) et il est l’incarnation de la séparation entre le corps et l’âme, puisque Ray ne pense pas sa présence physique mais il peut se débrouiller avec son cerveau et son habileté. De plus, ce qui est intéressant chez ce personnage est sa capacité de relier son monde au monde extérieur, il tisse de véritables liens (notamment lorsqu’ il demande à ce qu’on lui apprenne à danser, ou surtout lorsque il commence à révéler son passé avec son petit frère), c’est par là qu’il arrive à se dépasser.

 

Fatma Hamdoun

 

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